ACTES DU COLLOQUE

LES OBJETS DE L'EXIL

 
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Anouche Kunth
« Le portrait confisqué de Joseph Mantachev »

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Martiros Sarian, Portrait de Iossif Mantachev, 1915. Galerie nationale d'Arménie, Erevan
Avec l'aimable autorisation de Jean-Louis Andral, Conservateur en chef du musée Picasso d'Antibes

Résumé

Cet article examine comment un objet confisqué peut symboliser, par son absence même au sein de la famille spoliée, l’intensité dramatique d’une rupture exilique.

Chez les Mantachev, la légende familiale circule au long d’une galerie de portraits contrastés, opposant l’orgueilleuse figure de l’aïeul Alexandre, richissime homme d’affaires arménien de l’Empire russe, aux silhouettes malheureuses de ses fils, ruinés lors de la Révolution bolchevique. L’un d’eux, Joseph, traîna sur les faubourgs parisiens une morne existence de chauffeur de taxi.

Or, dans un récit centré sur l’humiliant revers de 1917, la confiscation du portrait de Joseph tient lieu d’emblème. La toile aux couleurs flamboyantes, signée Martiros Sarian, fut en effet décrochée et emportée par la commission d’expropriation qui avait forcé les portes du palais.

En quoi un vide laissé sur le mur, nourrit néanmoins les imaginaires, assure une transmission efficace, et prolonge le souvenir d’une déchirure irréparable ?

Abstract

This article examines how a seized object can symbolize, by its absence within the despoiled family, the dramatic intensity of exile’s fracture.

Among the Mantachev family, the memory used to circulate in an iconographical gallery where the proud figure of Alexandre - the grandfather, well-known to have been a gorgeous Armenian businessman of the Russian Empire - contrasts with the unfortunate silhouettes of his sons, ruined during the Bolshevik Revolution. One of them, Joseph, exiled in France, then endured a sad existence of taxi driver on Parisian boulevards.

In a discourse centred on humiliation of 1917, the seizure of Joseph’s portrait holds an emblematic value. The painting signed Martiros Sarian was indeed taken by the committee of expropriation charged to organize the Mantachev’ nationalization.

In which way are we allowed to think that an empty space left on the wall feeds nevertheless the imagination, assures an effective transmission and prolongs the memory of an irreparable tear?